○ Un jour, t'as arrêté de me manquer aussi ○ Gabriel

Histoire

Depuis aussi loin qu'il se souvienne, Gabriel a su qu'il était comme son père. Physiquement, d'abord. Puis il est devenu aussi grand que lui, aussi beau que lui quand il avait son âge. Aussi doué pour les études. Aussi conciliant aussi soucieux de rendre ses parents fier. Comme Gabriel l'archange, il doit être fidèle à celui qui lui a donné la vie et lui succéder quand son temps viendra. Et pendant plusieurs années, se savoir gâté et privilégié, il a adoré ça. Il ne va pas le nier alors que c'est la pure vérité : vivre dans une maison immense, avoir les téléphones et consoles de jeu fraichement sorties, avoir de l'argent... il a adoré ça, pendant longtemps. Jusqu'à ce qu'il comprenne que sa vie de rêve, enviée par beaucoup n'était en réalité qu'une prison dorée. Une prison dont il ne peut sortir. Parce que, ce qu'il veut, lui ? Ça importe peu.


Ce petit bout de chou, Gabriel l'a vu pour la première fois quand il était seulement âgé de 8 ans. Elle venait de naître, et elle était sa petite soeur. Seulement, on lui a longuement expliqué qu'elle n'était née ni de son père, n de sa mère. Elle a été adopté après que ses parents aient tenté d'avoir un autre enfant pendant des années. Et dès la première fois qu'il l'a vue, Gabriel l'a trouvée magnifique et savait qu'il prendrait toujours soin d'elle. Qu'il la protègerait de tout et de tout le monde. Malgré le fait qu'elle ait aujourd'hui l'âge que lui avait le jour de leur rencontre, elle est la personne chez eux, dont Gabriel est le plus proche.


"Non mais j'rêve. Qu'est-ce qu'ils foutent dans notre partie du lycée, ceux-là ?" La voix de son amie tire Gabriel de sa rêverie. Il lève les yeux et voit un groupe d'adolescent de leur âge passer dans les couloirs. Ici, il y a des règles. Tacites, certes, mais que tout le monde suit plus ou moins à la lettre. Or, les six personnes qui sont en train de marcher là ne sont pas où elles sont censées être. Eux, ils ont mauvaise réputation. Leurs familles étaient nomades et se sont implantées dans une ancienne décharge rasée et réaménagée afin de les accueillir. Leurs maisons sont loin d'être luxueuses et il sont plutôt mal vus en ville. Ils sont presque tous vêtus de vêtements foncés ou noirs, souvent troués par endroits et on les reconnait surtout à leurs vestes en cuir. Beaucoup pensent qu'ils forment un genre de gang, mais cela n'a jamais été ni prouvé, ni avéré. En tout cas, Gabriel ne se laisse pas aller à juger ces gens, surtout en ne les connaissant pas. "Franchement, la racaille peut pas rester là où elle est censée être ? Dans la décharge ?" Ces mots hérissent le poil de Gabriel qui lui lance un regard un peu noir. "Si la vue ne te plait pas, tu n'as qu'une chose à faire : détourner le regard. Pas la peine de te conduire comme la pire peau de vache devant tout le monde." Puis, sous le regard surpris de ses amis, il attrape son sac, marmonne qu'il doit aller à l'entrainement de foot et s'éloigne, pour finalement se rendre vers le gymnase. Une fois dans les vestiaires, il se rend compte que ses équipiers ne sont pas encore là et en profite pour commencer à se changer.


"Pourquoi t'as fait ça ?" Gabriel sursaute et en laisse tomber son t-shirt avant de se retourner. Dans l'embrasure de la porte se trouve l'un d'eux. Alejandro. Gabriel partage quelques cours avec lui et autant dire qu'il l'a déjà remarqué, mais qu'il a fait comme si ce n'était pas le cas. "Je vois pas de quoi tu parles" répond-il en ouvrant son casier, où se trouvent ses affaires et sa tenue. "Ah ouais ? Tu dois avoir la mémoire courte alors, pour ne pas te souvenir d'un évènement passé il y a seulement cinq minutes." Gabriel se contente d'hausser les épaules, le coeur se mettant à battre à tout rompre. Alejandro entre alors dans la pièce et s'approche. "Pourquoi t'as pris notre défense, Hamilton ?" La gorge un peu noué et nerveux de cette soudaine proximité, il recule jusqu'à ce que son dos touche la porte close de son casier. "Je... Mon amie s'est mal comportée, je n'ai fait que le lui dire." Alejandro arque un sourcil et esquisse un sourire. Les yeux de Gabriel ne peuvent s'empêcher de se poser sur la fossette apparaissant aux coins de ses lèvres. "Et risquer de passer pour quelqu'un qui nous soutient ? Mmh, je ne pense pas que ton cher papa apprécierai." Un peu énervé que Alejandro essaie de lire en lui, il le regarde dans les yeux. "Tu ne sais rien de mon père ou de moi." La répartie de Gabriel amuse Alejandro, qui pose ses deux mains sur le casier derrière lui, de part et d'autre de sa tête, coupant littéralement le souffle de Gabriel. "Tu as raison... Qui es-tu donc, Gabriel Hamilton ?"